ALLOCUTION DE MADAME ANNE GRILLO, AMBASSADRICE DE FRANCE AU LIBAN, À L’OCCASION DE LA RÉOUVERTURE DU MUSÉE SURSOCK

ALLOCUTION DE MADAME ANNE GRILLO, AMBASSADRICE DE FRANCE AU LIBAN,  À L’OCCASION DE LA RÉOUVERTURE DU MUSÉE SURSOCK

Monsieur le Président du comité exécutif du musée Sursock, cher Tarek Mitri,

 

Le 26 mars 2021, nous étions, ensemble, au premier étage, dans le salon arabe. Les fenêtres de la façade détruites étaient recouvertes de plastique bleu. Ferraille et débris s’amassaient en tas dans la cour comme dans les couloirs. Certaines pièces du musée n’avaient pas été encore dégagées. L’électricité marchait à peine. Nous portions des masques, c’était encore le temps du Covid. Les portes étaient éventrées, l’une d’entre elle s’était encastrée dans le plafond sous la puissance du souffle de l’explosion qui avait meurtri Beyrouth, 7 mois plus tôt, le 4 août 2020.

 

L’équipe du musée, épuisée mais vaillante, comptait encore les œuvres endommagées. Dans la salle des archives, où il avait été mis à l’abri dans l’urgence, le célèbre portrait de Nicolas Sursock peint par Kees van Dongen attendait de partir pour la France afin d’être restauré au centre Pompidou.

 

Sur ces décombres, j’avais alors annoncé que la France serait à vos côtés, qu’elle participerait à la rénovation du musée et à redonner aux Libanais et à tous ceux qui voyagent au Liban l’occasion de revenir dans ce lieu iconique de Beyrouth.

 

Aujourd’hui, en ce 26 mai 2023, deux ans et deux mois, plus tard, nous sommes à nouveau ensemble, tous réunis et bien plus nombreux, pour la réouverture du musée Sursock.

 

C’est évidemment pour moi une grande joie. Une grande émotion. Et une grande fierté pour la France, qui a été au rendez-vous de sa promesse. Comme elle l’a été dans tous les domaines où elle s’est engagée en soutien au Liban et aux Libanais, après ce terrible drame. Un drame dont je voudrais dire qu’aucune restauration ne pourra effacer les traces. Seule la justice pourra offrir un peu de réconfort aux familles des ceux qui ne sont plus et aux victimes. Il n’y aura pas de redressement et de reconstruction du Liban sur l’impunité et sans justice.

 

Chers amis,

 

Pour participer à cette rénovation, la France a uni ses forces :

 

  • Celles de l’Etat avec un soutien du Ministère de la Culture qui a été décisif pour sauver le fameux salon arabe. Je vous remercie monsieur le DG des Patrimoines et de l’Architecture d’avoir fait le déplacement au nom de notre ministre de la Culture dont je sais l’attachement au Liban. Vous l’avez rappelé. Je suis sûre qu’elle est avec nous en pensée aujourd’hui. Soutien aussi du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères qui a financé plusieurs missions d’expertise.

 

  • L’expertise et les forces d’autres institutions de l’Etat pour la restauration des œuvres endommagées : une quarantaine l’ont été par l’Institut national du patrimoine dont je salue la présence de son DG, Charles Personnaz, un ami du Liban, particulièrement engagé sur ce front comme celui de l’éducation. Au centre Pompidou ont été confiés le portrait de Nicolas Surstock mais aussi, le Portrait d’Odile Malou par Cici Tomazeo Surstock et l’œuvre sans titre (Consolation) réalisée par Paul Guiragossian

 

  • Contribution aussi de la Fondation Saint Gobain sans qui la restauration des vitraux emblématiques du musée n’aurait pas pu se faire. Je tiens à vous remercier sincèrement, cher Hady Nassif en tant que représentant du groupe. Votre PDG était avec le Président Macron lors de ses deux déplacements.

 

C’est donc en équipe France unie et solidaire que nous avons participé à cette aventure.

 

Cette aventure, nous l’avons partagée avec d’autres partenaires associés dans une même chaine de solidarité internationale pour le Liban et les Libanais : un pays ami, l’Italie – merci chère Nicolleta – de grandes institutions internationales, l’UNESCO et l’Alliance pour le patrimoine en péril (l’ALIPH). J’en salue chaleureusement les représentants aujourd’hui présents.

 

Au moment où j’avais annoncé que la France participerait à cette rénovation, j’en avais évoqué les raisons.

 

La France reconstruisait des écoles endommagées par l’explosion, reconstruisait des hôpitaux. Aider à la reconstruction de lieux patrimoniaux historiques et des musées, c’était aussi préserver ces espaces de création, de rencontre, de débats, ces lieux de libertés qui sont la singularité de l’identité du Liban dans la région : un pays pluriel qui tire sa force de sa diversité et de la coexistence pacifique de ces communautés. C’était aussi donner à la jeunesse libanaise des points d’appui pour penser le futur du Liban. C’était un engagement politique assumé. Ces motivations sont toujours d’actualité, plus que jamais dans cette crise politique, économique, sociale sans fin.

 

Pour ces raisons, convaincus qu’une vie culturelle riche et dynamique faisait partie de la signature du Liban comme la qualité de son système éducatif, son système de santé, et le dynamisme de ses entrepreneurs, nous avons voulu compléter notre action par un soutien résolu aux artistes et intellectuels libanais.

 

Cela a donné naissance à l’initiative NAFAS dont j’avais d’ailleurs annoncé le lancement ici-même, en même temps que notre participation à la rénovation du musée Sursock : un programme d’urgence au profit d’une centaine d’artistes libanais qui ont pu, toutes disciplines confondues, s’extraire physiquement du Liban pour pouvoir retrouver un second souffle. Ce programme NAFAS a permis de créer une communauté artistique unique, faisant émerger de nouvelles opportunités d’échanges entre le Liban et la France pour les années à venir. Et je suis heureuse que ce programme puisse se poursuivre encore cette année, au bénéfice de 20 artisans libanais soucieux de pouvoir perfectionner leurs talents et leur savoir-faire, dans des conditions d’exercice professionnel souvent difficiles.

 

De cette urgence à préserver des lieux d’échanges et de dialogue, a germé aussi le projet inédit du Festival Beyrouth livres avec nos partenaires francophones. C’est enfin à ce moment que nous avons décidé d’accélérer le projet de numérisation de vos archives audiovisuelles avec l’INA en partenariat avec le ministère de l’Information.

 

Je pense que dans le domaine culturel, le pays est à un moment charnière, avec des artistes et des professionnels de la culture qui veulent aussi rester et créer au Liban, si on leur en donne les moyens. La France continuera à accompagner ces nouvelles dynamiques à l’œuvre, en réfléchissant sans cesse à de nouveaux formats et en jouant ce rôle de passerelle essentielle entre les milieux artistiques français et libanais. C’est l’objet ainsi du programme de résidence internationale Villa El Qamar lancé fin 2020, pour nourrir ces rencontres dans les deux sens. Cette résidence est adossée à notre centre culturel de Deir el Qamar où je serai demain pour fêter ses 30 ans d’existence !

 

Mais aujourd’hui, c’est le musée Sursock qui nous réunit dans un moment joyeux et plein de promesse.

 

Chère Karina, mon dernier mot sera donc pour vous. Vous allez accompagner la réouverture de ce musée. Vous êtes la bonne personne, au bon moment, pour relever ce défi, par votre force de caractère, par votre enthousiasme, par votre talent, par votre intelligence de l’esprit et du cœur, par votre vision, soutenue par tout le comité exécutif et la formidable équipe du musée Sursock qui a tant travaillé avec vous pour cette réouverture. Et soutenue par la France. Soyez en assurée.

 

Bravo à toutes et tous. Bonne chance pour cette nouvelle étape de vie du musée Sursock. Et que les salles d’exposition et l’auditorium raisonnent à nouveau de la joie des beyrouthins, des Libanais et de tous ceux qui aiment le Liban de revenir dans ce lieu emblématique.

 

 

 

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